Tribune parue dans Les Echos du 30 décembre 2024 par Pierre Vaysse, membre du Comité Exécutif et Directeur Assurances de Biens et de Responsabilités d’Allianz France et Olivier Lopez, professeur des universités en mathématiques appliquées au Laboratoire CREST, pôle Finance Assurance, à l’ENSAE Paris, et Secrétaire Général de l’Institut des actuaires.
Images chocs d’inondations exceptionnelles, tempêtes Kirk, Leslie ou le cyclone Chido, multiplication des cyberattaques, émeutes urbaines (près d’un milliard d’euros en pertes assurées en France pour 2023.) ... La liste des sinistres - et leur facture - s’allonge à mesure que la nature des risques se diversifie, que leur fréquence s’accélère et que leur sévérité s’intensifie.
Nous ne pouvons plus ignorer la démultiplication et l’intensification des risques, de surcroît interconnectés. Par exemple, l’inondation d’un data center à la suite d’une tempête pourrait entraîner une panne massive, elle-même susceptible d’engendrer une crise cyber.
Les assureurs sont en première ligne et l’indemnisation devient un sujet d’inquiétude pour les assurés. Chaque année, l’accroissement des risques fragilise les principes d’assurabilité et de mutualisation, et fait planer une grave menace sur l’accès à une protection assurantielle. L’augmentation des primes, bien que nécessaire à court terme, ne peut être le seul levier. Nous ne pouvons accepter qu’elle conduise à transformer le principe d’assurabilité en privilège, et non en service essentiel, accessible à tous. Ce n’est ni souhaitable, ni viable.
Parce que l’analyse scientifique des données permet de mieux comprendre le risque, de faire baisser les incertitudes et par conséquent, le montant des primes, nous devons réinventer les modèles qui répondront à ces enjeux complexes. Il faut s’appuyer sur une recherche de pointe en mathématiques actuarielles et sur un dialogue avec tous les acteurs concernés, public comme privé. Repenser la couverture de ces menaces protéiformes nécessite de développer des outils quantitatifs innovants.
Ce changement de paradigme oblige à une réflexion globale sur l’évolution des risques. Parce que le secteur assurantiel a l’obligation de garder un coup d’avance, il faut s’extraire d’une approche traditionnellement silotée, et anticiper les scénarios futurs. Pour quantifier les risques, il convient de développer des modèles adaptés, et facilement déclinables par les assureurs pour faire face à l’urgence.
Premièrement, il est indispensable d’améliorer la modélisation des risques extrêmes pour mieux en anticiper les impacts, grâce à des approches innovantes, comme l’IA, permettant d’analyser beaucoup plus de données complexes et de nature différente.
Deuxièmement, il est nécessaire d’optimiser les mécanismes de mutualisation et de répartition des risques, en équilibrant le rôle des assureurs, des assurés, des institutions publiques tout en esquissant de nouveaux partenariats public - privé.
Troisièmement, il faut encourager le développement d’une culture du risque et l’amplification des politiques de prévention efficaces et accessibles, afin de réduire la gravité des sinistres tout en maîtrisant les coûts.
C’est cet impératif d’adaptation qui se trouve au cœur du lancement de notre Chaire d’excellence commune, Chaire pour l’Assurabilité des Risques Émergents, entre Allianz France et l’ENSAE sous l’égide de la Fondation du Risque. Les périls climatiques, en raison de leur ampleur et de leur complexité, y occuperont une place centrale dans les recherches. Mais face à la nécessité d’une approche globale des risques, la Chaire s’intéressera aussi aux risques sociaux, sanitaires et technologiques.
À travers notre démarche pluridisciplinaire, alliant recherche académique et expertise assurantielle, nous souhaitons participer à la transformation de ces innovations en applications concrètes pour les assureurs et nourrir le débat public sur la résilience collective face aux crises. Nous voulons créer un espace d’échange et de réflexion, au service d’une assurance prête à affronter les nouveaux risques du XXIe siècle.
