- Trois années prospères : pour la troisième année consécutive, les actifs financiers mondiaux ont enregistré une croissance à deux chiffres en 2021, atteignant 233 000 milliards d'euros (+10,4 %).
- Un tournant majeur : en 2022, une baisse nominale de plus de 2 % semble se profiler. Les ménages perdraient un dixième de leur patrimoine financier.
- La dette signe son grand retour : l'endettement des ménages a bondi de 7,6 % en 2021, l’augmentation la plus rapide depuis 2006, avant la crise financière mondiale.
- France : forte progression des actifs financiers en 2021, de 6,5 %, à la faveur de l’essor des marchés boursiers et d'une épargne forte.
Rétrospectivement, 2021 pourrait bien avoir été la dernière année de ce qui fut l’économie des taux d’intérêts zéro durant laquelle les politiques monétaires ont alimenté l'expansion des marchés boursiers. Une époque aujourd’hui révolue. Les ménages en ont largement profité : pour la troisième année consécutive, les actifs financiers mondiaux[1] ont enregistré une croissance à deux chiffres en 2021, atteignant 233 000 milliards d'euros (+10,4 %).
Ces trois dernières années, le patrimoine financier des ménages a connu une ascension vertigineuse de 60 000 milliards d'euros, soit l’équivalent de deux fois le PIB de la zone euro.
En termes de croissance d’actifs, trois régions se sont distinguées : l'Asie, hors Japon (+11,3 %), l'Europe de l’Est (12,2 %) et l'Amérique du Nord (+12,5 %). À l'instar des deux dernières années, cette dernière région, la plus riche du monde avec des actifs financiers bruts par habitant totalisant 294 240 euros, contre une moyenne mondiale de 41 980 euros, a enregistré des taux de croissance comparables à ceux des marchés émergents.
En revanche, l'Europe de l'Ouest (109 340 euros) s'est davantage comportée comme une région riche déjà plus mure, avec une croissance de 6,7 %.
Principal moteur de cette croissance, l'essor des marchés boursiers, qui a contribué de près de deux tiers à la croissance du patrimoine en 2021 et dont le fer de lance a été la classe d'actifs des titres (+15,2 %). Pour autant, l'épargne récemment constituée est restée également élevée. Malgré une baisse d’environ 19 % en 2021, à 4 800 milliards d'euros, l'épargne s'est encore établie 40 % au-dessus du niveau de 2019. La composition de l’épargne a par ailleurs légèrement évolué : malgré un fléchissement, la part des dépôts bancaires, à 63,2 %, reste de loin la classe d’actifs préférée des épargnants ; en revanche, les titres ainsi que les produits d’assurance et fonds de pension ont marqué des points auprès des épargnants, même si leur part dans l’épargne récemment constituée, à savoir 15,5 % et 17,4 % respectivement, a été beaucoup plus faible. Illustration de cette dynamique, les dépôts bancaires mondiaux n’ont progressé « que » de 8,6 % en 2021, soit tout de même la deuxième plus forte hausse jamais enregistrée (après le bond de 12,5 % en 2020). Les actifs d’assurance et de fonds pension ont progressé au rythme bien plus faible de 5,7 %.
Un tournant majeur
2022 marque un tournant. La guerre en Ukraine a stoppé la reprise et secoué l’équilibre mondial : l'inflation galopante, les pénuries d’énergie et de produits alimentaires et le resserrement monétaire pèsent sur les économies et les marchés.
Le patrimoine des ménages ne sera pas épargné. Les actifs financiers mondiaux devraient perdre plus de 2 % en 2022, préfigurant la première destruction significative de richesse financière depuis la crise financière mondiale de 2008. En valeur réelle, les ménages vont perdre un dixième de leur patrimoine. Mais, contrairement au redressement relativement rapide qui a suivi la crise financière mondiale de 2008, aujourd'hui, les perspectives à moyen terme s'annoncent assez sombres : la croissance nominale des actifs financiers devrait en moyenne atteindre 4,6 % jusqu’en 2025, contre 10,4 % ces trois dernières années.
« 2021 marque la fin d'une époque », observe Ludovic Subran, Chef Economiste du Groupe Allianz. « Les trois dernières années ont été, à tout point de vue, extraordinaires, une aubaine pour la plupart des épargnants. 2022 et les années qui vont suivre s'annoncent différentes.
La crise liée au coût de la vie met le contrat social à rude épreuve. Les décideurs politiques font face à d'énormes défis : surmonter la crise énergétique d'un côté, garantir la transition écologique de l'autre, tout en stimulant la croissance le tout sur fond de resserrement drastique de la politique monétaire. Il n'y a pas de droit à l’erreur. Seules des mesures innovantes et ciblées au niveau national et davantage d’unité européenne leur permettront de relever ces défis. »
Le retour de la dette
Fin 2021, la dette mondiale des ménages s’élevait à 52 000 milliards d'euros. La hausse annuelle de +7,6 % a largement dépassé la moyenne à long terme de +4,6 % et la progression observée en 2020 de +5,5 %. La dernière hausse plus élevée remonte à 2006, bien avant la crise financière mondiale. Toutefois, compte tenu de la forte hausse en valeur nominale, le ratio d’endettement mondial (passifs en pourcentage du PIB) a même chuté à 68,9 % (contre 70,5 % en 2020). La répartition géographique de la dette a évolué depuis la dernière crise. Si la part des marchés avancés est en recul – la part américaine, par exemple, a perdu dix points de pourcentage depuis la crise financière mondiale, pour tomber à 31 % – les marchés émergents représentent une part toujours plus importante de la dette mondiale, au premier rang desquels l’Asie (hors Japon) dont la part a plus que doublé en dix ans, à 27,6 %. « Il y a lieu de s’inquiéter de la forte progression de la dette à l'aube d'une récession mondiale », alerte Patricia Pelayo Romero, co-auteure du rapport. « Dans les marchés émergents, la dette des ménages s'est creusée avec un taux de croissance à deux chiffres ces dix dernières années. C'est plus de cinq fois le rythme observé dans les économies avancées. Les niveaux de dette semblent dans l'ensemble encore gérables. Cependant, compte tenu des fortes tensions structurelles auxquelles ces marchés sont confrontés, le spectre d'une crise de la dette constitue une réelle menace. »
France : forte progression des actifs financiers de 6,5 %
Les ménages français ont vu leurs actifs financiers bruts progresser de 6,5 % en 2021, soit la deuxième plus forte hausse de la décennie. A l’origine de cette performance, l'excellente tenue de la classe d’actifs des titres enregistrant une croissance impressionnante de 12,9 %.
Pour autant, l’essentiel de cette hausse (93 %) tient davantage à l'essor des marchés boursiers qu'à un réel changement de comportement des épargnants : avec près de 15 milliards d'euros en 2021 (-57 % par rapport à 2020), la part des produits de marché des capitaux dans l’épargne récemment constituée n’est que de 7 % environ, soit près de la moitié à peine de son niveau de l’année précédente.
L'appréciation des titres en bourse n'est pas l'unique moteur de la forte croissance du patrimoine financier l’année dernière. L'épargne forte en est un autre : au total, l'épargne récemment constituée s'est élevée à 211 milliards d'euros, soit plus de 60 % au-dessus de la moyenne à long terme de la dernière décennie. Cette épargne est essentiellement constituée de dépôts bancaires : 116 milliards d'euros, soit plus de la moitié (55 %) du total des apports, ont été placés dans cette classe d’actifs. Les dépôts bancaires ont ainsi enregistré une forte croissance de 6,4 %.
Dernier point, et non des moindres, avec une faible croissance de 1,1 %, la part des actifs d’assurance et fonds de pension dans les actifs financiers a perdu un peu moins de 2 points de pourcentage. Représentant 34,3 % du portefeuille, cette classe d’actifs reste néanmoins la plus appréciée des épargnants (dépôts bancaires : 29,3 %, titres : 29,2 %).
En revanche, les passifs ont progressé de 4,2 %, bien au-dessus de la moyenne à long terme de 3,0 %. Les actifs financiers nets ont en définitive augmenté de 7,5 %. Avec des actifs financiers nets de 72 320 euros par habitant, la France se place au 16e rang des 20 pays les plus riches (actifs financiers par habitant, voir tableau). Pourtant, la France ne devrait pas échapper au revirement de tendance : en 2022, les actifs financiers devraient reculer de près de 2 %.
Actifs financiers nets par habitant en 2021
|
|
En euros |
a/a. en % |
Classement en 2001 |
1 |
États-Unis |
259 780 |
13,2 |
2 |
2 |
Suisse |
237 110 |
7,9 |
1 |
3 |
Danemark |
183 610 |
25,3 |
17 |
4 |
Suède |
146 510 |
19,0 |
16 |
5 |
Taïwan |
138 220 |
9,5 |
10 |
6 |
Singapour |
134 150 |
6,8 |
14 |
7 |
Nouvelle-Zélande |
132 170 |
11,5 |
6 |
8 |
Pays-Bas |
125 510 |
-2,0 |
7 |
9 |
Canada |
125 290 |
11,7 |
9 |
10 |
Israël |
106 220 |
12,5 |
11 |
11 |
Belgique |
103 700 |
5,1 |
3 |
12 |
Royaume-Uni |
102 830 |
5,0 |
5 |
13 |
Japon |
102 720 |
5,3 |
4 |
14 |
Australie |
99 400 |
11,3 |
18 |
15 |
Irlande |
77 610 |
12,4 |
13 |
16 |
France |
72 320 |
7,4 |
12 |
17 |
Italie |
71 820 |
7,7 |
8 |
18 |
Allemagne |
69 290 |
9,7 |
19 |
19 |
Autriche |
67 930 |
5,8 |
15 |
20 |
Malte |
50 330 |
3,7 |
21 |
Retrouvez l’intégralité de l’étude, en anglais, ici ou sur la page Allianz Research
Retrouvez la carte interactive « Allianz Global Wealth Map »
- ^ Les actifs financiers incluent les liquidités et dépôts bancaires, les créances de compagnies d’assurance et d’institutions de retraites, les titres (actions, obligations et fonds d’investissement) et autres créances.